Un autre monde - Chapitre VIII ~

 

Quand mon corps entre dans l'eau, je suis surprise de voir cette lumière bleutée que j'avais désespérément vouloir voir plutôt dans la journée. La première pensée qui me vient à l'esprit est l'image de Natsume, je veux le revoir. Aoi et Luca aussi. J'étais bien là-bas, j'étais même heureuse à leur côté. Désolé papa, désolé maman, vous allez devoir attendre un peu avant de revoir votre fille finalement. J'ai trouvé des personnes que je veux continuer à connaitre et qui sais, peut-être finirons nous par être amis. Je nage tant bien que mal vers la surface avec mon album dans les mains et me dirige vers le rivage. Il fait toujours nuit, le jour n'est pas encore levé mais la pleine nuit me permet de distinguer légèrement le paysage. Je sors de l'eau et cours dans la forêt pour rejoindre la ferme sans prendre le temps d'essorer ma robe ou mes cheveux. Je ne désire qu'une seule chose : voir Natsume. Lorsque j’aperçois au loin sa maison, un grand sourire se dessine sur mon visage. J'arrive à destination mais je déchante rapidement. Nous sommes en pleine nuit, je ne peux pas rentrer à l’intérieur comme ça, ce ne serait pas très poli même s'ils m'ont hébergé plusieurs semaines. Je pars en direction de l'écurie et prends le temps d'essorer ma robe et mes cheveux avant de m'allonger sur le tas de foin. 

 

Mon esprit vadrouille dans tous les sens, tentant d'analyser et assimiler toutes les informations qu'il a reçu ses dernières heures. Je pose l'album mouillé sur mes genoux et l'ouvre délicatement. Les pages sont collées les unes contre les autres, je vais devoir le faire sécher, avant de pourvoir le feuilleter sans l’abimer. En soupirant je le referme et le pose à mes côtés.

 

Je repense aux paroles de cet ignoble imposteur. Si effectivement comme il le prétend, je suis partie seulement trois jours et non plus d'une semaine, le temps s'écoule différemment entre les deux mondes. Bien que je sois partie d'ici depuis environ dix heures, il a dû s'écouler un jour ou peut-être même deux. Natsume et les autres se sont surement inquiétés de ma soudaine disparition et ont dû se poser beaucoup de questions sans réponses. Quand je reverrai Natsume je vais surement devoir lui donner quelques explications. Je ne sais même pas par où je vais pouvoir commencer. Je suis tirée de mes pensées par un bout de paille qui me transperce violemment la fesse droite et m'arrache un petit cri. Je me lève en me massant légèrement le fessier quand j'entends des bruits de pas se rapprocher dangereusement. La panique me gagne rapidement. S'agit-il d'un animal ? Une bête sauvage assoiffée de sang. Les pires scénarios se dessinent dans ma tête, mon cerveau est tellement occupé à s'imaginer le destin funeste qui m'attends qu'il en oublie la fuite. Mes jambes sont tétanisées, mes bras immobiles le long de mon buste. Une silhouette apparaît devant l'entrée de l'écurie, dos à la pleine lune. D'où je suis, je ne distingue qu'une grande masse sombre.

 

- Mikan ? demande la silhouette noire.

 

Je reconnais immédiatement la personne à qui appartient la voix. Je suis choquée et déboussolée par cette soudaine apparition. Je reste clouée sur place me demandant si je souffre maintenant d'hallucinations. Jusqu'à présent malgré mon envie de le voir et la tristesse de son absence, jamais mon cerveau n'avait montré des signes de folies. Mais même s'il s'agit d'une hallucination je suis tellement contente de le revoir. Je m'avance doucement vers la silhouette devant l'écurie, qui n'a pas bougé depuis le début. Il se tient immobile et se contente de me fixer. Au fur et à mesure que je m'approche, des larmes coulent lentement le long de mes joues. Quand j'arrive à sa hauteur, je distingue enfin son visage et ses habits. A-t-il toujours été aussi beau ? Un sourire se forme sur mon visage, tandis que je lève doucement la main pour la poser délicatement sur sa joue. Il ne bouge toujours pas, m'observant de son regard impassible. Sa peau sous ma main à l'air tellement réel.

 

- Natsume, soufflé-je.

 

Je prends quelques minutes pour admirer son beau visage qui m'a tant manqué. Ses yeux noisettes me fixent, sa bouche s’entrouvre légèrement pour murmurer mon prénom.

 

- Chut, murmuré-je.

 

Je quitte sa joue et joins le geste à la parole en mettant mon index contre sa bouche. Je n'ai pas envie que ce moment s'arrête, et que la magie disparaisse. Laissez-moi avec mon hallucination toute la nuit, cela me convient parfaitement. 

 

- Le peu de temps que j'ai passé parmi vous a été merveilleux. Je n'avais plus été aussi heureuse depuis des années. Je ne savais pas que j'étais encore capable de sourire et tout ça c'est grâce à vous, à toi. Je te remercierai jamais assez de m'avoir amenée chez toi, dis-je en souriant.

 

Je passe mes bras atour de ses côtes et l'enlace. Je pose ma tête contre son torse et ferme les yeux. Son corps est chaud, on pourrait presque croire qu'il est réel. Après quelques minutes, l’hallucination me repousse doucement, surprise je lève les yeux.

 

- Et ben, tu es devenue bien entreprenante, taquine-t-il.

 

Je souris mais ne réponds rien. Je me contente d'admirer l'hallucination en essayant d'imprimer son visage. Sera-t-il le même que celui du Natsume demain ? Est-ce que mon cerveau ne l'embelli ou on contraire l'enlaidi ? Sa main droite s'avance jusqu'à moi, et me relève doucement le menton. Mon regard accroche le sien, impossible de détourner les yeux. Je suis comme hypnotisée. Il incline légèrement la tête sur le côté et l'approche lentement de la mienne. J'ai l'impression qu'il bouge au ralenti, comme dans les films. J'ai envie de sentir ses lèvres contre les miennes. Je meurs d'envie de l'embrasser, maintenant, mais il fait durer le désir. Son visage est encore trop loin du mien, alors je décide de prendre les choses en main. Je place ma main à l'arrière de son crâne et l'attire brusquement à moi. Nos bouches se touchent enfin, je sens Natsume esquisser un petit sourire contre mes lèvres. Je souris à mon tour contre sa bouche. Il se recule légèrement de quelques centimètres, je sens son regard fixer ma lèvre inférieur tout en se mordant la sienne. Il me désire autant que je le désire. Je ne saurais expliquer ce qu'il se passe entre nous, il y a une tel alchimie entre nous. Je ressens l'envie d'être auprès de lui.  Je suis sortie de mes pensées par le choc de sa bouche s'écrasant sur la mienne. Il a craqué. Il m'embrasse désespérément, comme s'il avait peur que je disparaisse à nouveau. Tout ceci semble tellement réel. 

 

Après de longues minutes à s'embrasser on se sépare un peu à contre cœur. Natsume va chercher un drap, rangé dans une étagère de l'écurie. Il l'installe sur le tas de fois pour s'y asseoir. Il me fait signe de le rejoindre. Je ne me fais pas prier, nous nous allongeons sur le drap, dans les bras de l'un de l'autre. Au bout de quelques minutes nous sombrons tous les deux dans les bras de Morphée.