DRACULA VI

 

 

 

Je ne suis pas en avance. J'imagine déjà la tête de Jess qui est en train de m'attendre à l'intérieur du café en pestant sur ma non ponctualité. On s'est donné rendez-vous à quatorze heures et j'ai déjà cinq bonnes minutes de retard. Et je suis toujours chez moi, autant dire que mon amie va encore m’attendre un petit peu. Oh, elle a l'habitude depuis le temps. J'attrape un jean noir et un pull rouge que j'enfile à toute vitesse. Je passe rapidement ma main dans les cheveux en guise de peigne et dompte mes ondulations tant bien que mal. Je prends mon manteau bien chaud et sors de ma chambre. Je croise Anne dans le salon, mais pas l'ombre de Dra.

 

 Où est Dra ? demandé-je.

 

 Je ne sais pas. Tu sais que quand il s'agit de disparaître, il est champion, sourit-elle.

 

Oh ça, oui, je le sais ! Mais où diable peut-il être ? Décidément, cet homme est très mystérieux. Même après vingt ans passés à ses côtés, j'ai parfois l'impression d'avoir affaire à un étranger. Je pousse un petit soupir et attrape mes clefs de voiture accrochées au mur près de l'entrée. 

 

— Je vais rejoindre Jess au café des Anges, avertis-je. 

 

— Amusez-vous bien, les filles.

 

Je la remercie et sors du château. Je m'installe à bord de ma petite voiture et envoie un message à Jess : "Je démarre seulement, désolée !! J'arrive ma princesse ! ". Sa réponse est presque instantanée : "Magne-toi les fesses ! Princesse ? Dixit la fille qui habite dans un château ... haha C'est toi qui régale pour ta punition" Je souris et réponds "Pas de soucis, t'auras même le droit à deux maxi cookies" puis, mets le contact.

 

Pendant le trajet, la nuit dernière me revient en tête. Allongée sur mon lit, ma précieuse couverture dans les bras, j'ai repensé encore une fois à mes parents. Très vite, j'ai été submergée par une vague de tristesse et de mélancolie. Cela fait presque deux ans que mon origine et mes parents biologiques me trottent en tête. Je ressens le besoin de connaitre mon histoire et mes géniteurs, même s'ils m'ont lâchement abandonnée. Je dois savoir pourquoi ils n'ont pas voulu de moi. Enfin, s'ils sont toujours vivants. Des tonnes de questions envahissant mon esprit, il m'était impossible de trouver le sommeil. Le cœur serré et la gorge nouée, je suis allée errer dans le jardin, telle une âme en peine. Je n'aurais jamais pensé tomber sur Dra. Je portais cette fameuse chemise de nuit, celle du drame. Mais bizarrement, je ne me suis pas senti gênée malgré mon accoutrement. Peut-être que, submergée par les émotions, j'en ai oublié ma pudeur. J'étais dans un état second, empli de mélancolie. Je revois le visage de Dra seulement éclairé par la pleine lune. Il était si beau. Sa barbe de trois jours lui donnait un certain charme. J'avais eu très envie de la toucher et de caresser sa joue. Mais je me suis retenue et ravisée au dernier moment. 

 

C'est avec quinze minutes de retard que je rejoins Jess au café. Dehors, il fait un froid de canard, l'hiver à bel et bien pointe le bout de son nez. Je me faufile entre les tables pour m'installer à la sienne. Elle porte un foulard rouge autour de son cou, assorti avec une petite robe noire. Elle a même bouclé ses cheveux couleur ébène. Je devine qu'elle s'est faite jolie pour son rencard de ce soir.

 

— Enfin ! J'ai cru que tu n'arriverais jamais, soupire mon amie.

 

—  Désolée, m'excusé-je. Tu me connais pourtant. La prochaine fois, viens avec un quart d'heure de retard.

 

Elle me fait une pichenette sur le front, un geste affectueux pour elle. On commande deux cocktails sans alcool. Ce café fait les meilleurs de la ville, je peux vous le dire. On en a goûté un bon nombre avec Jess, et aucun ne leur arrive à la cheville. Une serveuse nous apporte nos verres quelques minutes plus tard. Après quelques gorgées, mon amie prend la parole.

 

— Tu vas faire quoi pour le bal ? Tu devais y aller avec Diméo, mais c'est compromis maintenant...

 

Le bal de Noël est un grand événement dans notre école privée. Les filles en parlent depuis le début de l'année scolaire, et partent à la recherche de leur cavalier le plus tôt possible. Plus on se rapproche de la date fatidique, plus l'excitation augmente. La gente féminine est remontée à bloc pour cette soirée et es hommes aussi, mais ça ils ne l'avoueront jamais. Jess a rapidement trouvé celui qui l'accompagnera, un garçon de deuxième année, plutôt mignon. Thomas, si ma mémoire est bonne. Quant à moi, j'en avais parlé à Dim quand nous sortions encore ensemble, et il avait tout de suite accepté. Pas très étonnant, quand il est question de faire la fête, il répond toujours présent. Mais maintenant que nous avons rompu, il est hors de question qu'il m'accompagne. Je ne veux pas lui accorder ne serait-ce qu'une seule danse. Je préférais encore amener un chimpanzé que cet idiot, qui en passant, ne m'a toujours pas contactée depuis notre rupture. Je devais vraiment compter pour lui. Je sais que je pourrais lui écrire, mais ce n'est pas à moi de la faire. C'est lui qui est parti du château comme un voleur. Qui plus est, pour aller à une fête. Je suis sûre qu'il a sauté sur l'occasion d'être célibataire pour séduire et ramener une fille chez lui. 

 

— Il est hors de question qu'il soit mon cavalier, plutôt mourir, craché-je. Je n'irais pas au bal.

 

—  Quoi ?! s'offusque Jess. C'est un des plus grands événements de l'année, Amé ! Tu ne peux pas le manquer. Et puis, on s'était promises d'y aller toutes les deux, se lamente-t-elle.

 

Je soupire. J'ai aussi envie de me rendre au bal, mais je ne veux pas me coltiner mon ex. De plus, on est déjà à la fin du mois de novembre, la plupart des mecs doivent déjà être pris. Je ne veux pas prendre n'importe qui comme cavalier, surtout si on doit danser des slows. Bonjour le cauchemar. D'après ce que j'ai entendu, beaucoup de couples se forment lors de cette soirée, il manquerait plus que le garçon se fourvoie sur mes intentions. Et s'il essayait de m'embrasser ? Argh, l'angoisse !

 

— Tu n'as qu'à proposer à Dra, s'enthousiate Jess.

 

Je regarde mon amie, les yeux ronds comme des billes. Où diable a-t-elle été chercher cette stupide idée ? Je serais évidemment ravie d'avoir Dra comme cavalier et là, je le laisserais m'embrasser plutôt deux fois qu'une. Il faudrait un pied de biche pour me séparer de lui. Ça serait un rêve d'y aller avec lui, mais il n'acceptera jamais ! Il faudrait déjà qu'il sorte de son trou, et qu'en plus, il soit dans une salle avec plus de deux cents personnes. Il va me claquer dans les bras avec une belle crise cardiaque, l’ermite ! 

 

— Il ne voudra jamais, ronchonné-je. 

 

— Tu rigoles ? Il ferait tout ce que tu lui demandes, même se jeter d'un pont ! Si tu lui proposes, il te dira oui, c'est sûr, affirme-t-elle.

 

Il est vrai que Dra à souvent cédé à des caprices, mais là, nous sommes un cran au-dessus. Pourtant, j'aimerais tellement qu'il accepte d'être mon cavalier et qu'il m'accompagne à ce bal. J'aurais même l'occasion de le voir porter un costume, ce qui, je suis sûre que ça lui irait à merveille. Je le vois déjà ronchonner quand je l’emmènerai vers la piste de danse. J'ai vraiment envie de partager cette soirée avec lui, alors je vais me jeter à l'eau. Comme on dit : qui ne tente rien, n'a rien ! 

 

— D'accord, je lui demanderai. Mais attention, il y a de grandes chances qu'il refuse, avertis-je mon amie.

 

— Je suis sûre qu'il te dira oui, sourit Jess.

 

J'espère sincèrement qu'elle a raison et que Dra acceptera d'être mon cavalier. Ça me ferait tellement plaisir ! Maintenant, il va falloir que je trouve le bon moment et comment lui demander.

 

 

 

Il est passé dix-huit heures quand je regagne le château. Je monte directement dans ma chambre afin de réfléchir à la technique que je vais employer pour inviter le propriétaire de cette demeure. L'implorer ? Le soudoyer ? Utiliser l'affreuse méthode du chantage affectif ? Je m'assois à mon bureau et attrape le cadre qui repose au coin. C'est une photo de nous trois lors de mon huitième anniversaire. Je suis assise sur la table du salon, Anne à ma droite et Dracula à ma gauche. Il a fallu plusieurs essais pour arriver à bien maîtriser le minuteur, mais au final, nous avons eu la photo parfaite. Nous sourions tous, même notre ronchon national esquisse un petit sourire. Mes cheveux châtains sont attachés en queue-de- cheval et, pour l'occasion, Anne m'avait laissée emprunter l'un de ses rouges à lèvres au choix. J'avais opté pour un de couleur grenade. Dra avait râlé, il n'était pas d'accord qu'une petite fille mette du maquillage. Mais Anne avait répondu que j'avais bien le droit de m'amuser le jour de mon anniversaire, après tout, ça arrivait une fois par an. Ce qu'on ne voit pas en regardant la photo, c'est que le même soir, je pleurais toutes les larmes de mon corps, recroquevillée sous la couette. C'est ce jour-là, qu'on m'a annoncé la vérité. Mes parents n'étaient pas morts dans un accident de voiture et Dracula n'était pas mon oncle. Pour la petite fille joyeuse et innocente que j'étais, ça a été un véritable choc d'apprendre que mes géniteurs n'avaient pas voulu de moi et que j'avais été abandonnée devant la porte d'un château alors que je n'étais encore qu'un bébé. A l'époque, des rumeurs circulaient sur ce lieu, peut-être ont-ils pensé que je me ferais manger par le monstre qui y habitait ? C'est dommage pour eux car ils ne savent pas à quel point Dra est un homme bon, sans aucune once de méchanceté en lui. 

 

Pourquoi ai-je gardé cette photo alors qu'elle me rappelle des mauvais souvenirs ? La première raison, c'est parce qu'il s'agit d'une des rares photos où l'on peut apercevoir un petit sourire chez grincheux. Et même si j'ai mal vécu l'annonce que Dra a fait ce soir-là, cet anniversaire reste l'un des merveilleux moments que j'ai passé à leurs côtés. Je repose délicatement le cadre à sa place. C'est à ce moment que j’aperçois une énorme araignée sur le mur, juste à côté de ma précieuse photo. Je déteste ces insectes. Je hurle tout en reculant le plus loin possible de mon bureau et de ce monstre. La porte s'ouvre en fracas, le bruit me fait sursauter. Je me retourne et découvre un Dracula paniqué.

 

— Qu'est-ce qui se passe ? demande-t-il inquiet.

 

— Oh, Dra ! 

 

Je cours me réfugier derrière lui et indique le bureau de l'index. Il me dévisage, perplexe. Oh, il ne comprend rien ! C'est pourtant clair, il ne voit pas le monstre ? Oh ! Et elle me regarde ! Elle veut me sucer mon sang !

 

— Y a une énorme araignée près de mon cadre, informé-je.

 

Je suis toujours planquée derrière Dra, mais pour une courte durée. Celui-ci m'abandonne pour s'approcher doucement de la cible. Il tourne la tête plusieurs fois, à gauche et à droite, à la recherche de la vilaine bestiole. Nom d'un petit bonhomme ! Il est aveugle ou quoi ? Comment peut-il ne pas la voir ?! Il se retourne en haussant les épaules et avance vers la sortie. Je le retiens par le poignet. Il ne va pas me faire ça ? Il n'oserait pas laisser une demoiselle en détresse ?

 

— Ne pars pas sans l'avoir tuée ! Elle est énorme, je te dis. Elle va rentrer dans ma bouche cette nuit, dis-je avec dégoût.

 

— Ça te fera de la viande, taquine-t-il en esquissant un petit sourire.

 

— Ce n'est pas drôle ! Dra, je te hais ! 

 

Sur ces mots, il me laisse en plan.

 

— Reviens ici, hurlé-je. Dra !

 

Mais ce traître ne réapparaît pas. Je me retrouve seule, à la merci de l'araignée. Avec toutes ces émotions et péripéties je n'ai même pas pu lui demander d'être mon cavalier. Je vais laisser la porte ouverte, en espérant que l'affreuse araignée poilue aille lui rendre visite cette nuit. Après le repas, préparé par mes soins, je remonte dans ma chambre. Je m'installe à mon bureau pour bosser sur mes cours. Il est passé minuit lorsque je me couche et je n'ai toujours pas demandé à Dra pour le bal. Je pousse un soupir avant de sombrer dans les bras de Morphée.

 

 

Je n'ai pas vu mon dimanche passer, le nez dans mes livres d'école. J'ai étudié toute la journée et me suis arrêtée seulement pour manger ou faire mes besoins. Je n'ai pas vu Dracula, pas même pendant les repas et je n'ai aucune idée d'où il a pu aller. Je dois avouer que sa présence m'a manqué.

 

Lundi arrive très vite. Je suis assise sur ma chaise et attends patiemment que le cours commence. Pour une fois que je suis arrivée à l'heure, c'est le professeur qui est en retard. Je discute tranquillement avec ma voisine, une petite brune aux yeux noisette. Avec Julie, on est devenues amies dès le début du trimestre, nous sommes toujours ensemble en classe. Alors qu'elle me raconte son week-end, le responsable de notre section journalisme entre dans la salle. Les bruits cessent, plus personne n'ose parler. Il règne maintenant un silence de mort. On se pose tous la fameuse question "pourquoi est-il ici ?". J'espère qu'il ne va pas nous annoncer l'annulation du bal, ce qui causerait un énorme remue ménage et de grosses protestations. Il nous salue d'un geste de la tête et se place derrière le bureau de l'enseignant. Il se penche en avant et pose ses paumes à plat sur le bois.

 

— Comme vous avez pu le voir, votre professeur Monsieur Dumond n'est pas là et il ne viendra pas. Il a quelques soucis de santé et sera donc absent pendant plusieurs mois, informe-t-il. Vous vous en doutez, on ne va pas vous laisser sans cours d'Analyse de l'actualité. Nous vous avons trouvé une personne qui endossera ce rôle à la perfection. Entrez, je vous prie, dit-il après avoir marqué une courte pause.

 

Un homme franchit la porte, qui était restée ouverte. Il doit avoir une petite trentaine. Il a les cheveux noirs, mi-long, tirés en arrière. C'est un beau garçon, avec une belle carrure. Ses yeux bleus balayent rapidement la salle, avant d'avancer lentement pour se placer aux côtés du responsable. 

 

— Voici votre professeur remplaçant. Je vous laisse vous présenter et vous occuper de votre nouvelle classe. Bonne journée à tous.

 

Sur ces mots, il sort de la salle. Un silence règne pendant quelques secondes, nous observons attentivement l'homme qui se tient devant nous avec curiosité. Quel genre de professeur est-il ? Sévère ? Cool ? Acharné du boulot et des devoirs ou plutôt relax ? Hystérique ou calme ? Autoritaire ? Il esquisse un petit sourire et se retourne pour saisir un marqueur. Il écrit son prénom au marqueur noir sur le tableau blanc avant de nous faire face. 

 

— Bonjour à tous. Appelez-moi Enzo, vous n'avez pas besoin de connaître mon nom pour le moment. Je serais donc votre professeur jusqu'au retour de Monsieur Dumond. Pour mieux vous connaître, je vais vous poser quelques questions, auxquelles vous répondrez sur une feuille. Prenez tous un stylo, on commence dans quelques minutes.

 

Tout le monde s'active et attend sagement que le questionnaire commence. Je jette un coup d’œil à Julie qui est complètement hypnotisée par le nouveau venu. Je parcours rapidement la salle du regard et je vois que toutes les filles bavent devant Enzo. Ce dernier doit avoir remarqué l'agitation qu'il provoque auprès de la gente féminine, puisqu'il leur fait deux-trois clin d’œil. Mais quel poseur celui-là ! Monsieur sait qu'il plaît et il en joue.  Ok, c'est le genre de professeur qui drague et couche avec ses élèves. Classe. Je détourne le regard, ce genre de Don Juan me hérisse le poil. 

 

— Bon, c'est parti ! Nom, prénom, date de naissance et votre adresse. Votre cursus scolaire à savoir scientifique, littéraire, etc... Si vous avez des difficultés dans une matière en particulier. Profession de vos parents et on s'arrête ici, ça sera déjà pas mal. Regroupez votre feuille avec celle de votre voisin de table et posez-les au bord. 

 

Je remplis consciencieusement ma fiche :

 

AMETHYSTE DE ROSNAY

17/05/199X - techniquement c'est faux, mais c'est celle qui a été enregistrée lorsque Dra m'a déclaré à la mairie -

Château d'Ussé 

Bac Littéraire

Tutrice : à la retraite

Tuteur : Rentier - J'ai été tentée de mettre glandeur, parce que clairement, Dra n'a aucun métier et il ne fait pas grand chose de ses journées. Et il n'est même pas capable de tuer une araignée !  -

 

Je donne ma copie à Julie qui la joint à la sienne. Enzo se déplace de table en table pour ramasser les questionnaires. Il prend quelques minutes pour lire rapidement les réponses. Il arrive devant nous et saisit nos feuilles Je vois son regard parcourir les quelques lignes avant d'écarquiller les yeux. Il nous dévisage à tour de rôle. Je ne comprends pas ce qu'il se passe. Ne me dites pas que Julie a mis un maudit cœur rouge sur sa feuille avec son numéro de téléphone. Je suis sûre qu'elle a fait une bêtise ! Il reporte son attention sur la feuille qu'il tient entre ses mains et murmure deux mots qui me surprennent. Ce n'est visiblement pas mon amie qui a provoqué cette étrange réaction chez lui, mais moi, ou plutôt mon nom. « De Rosnay », voilà ce qu'il a prononcé à voix basse. Il relève une nouvelle fois la tête.

 

— Qui est Améthyste De Rosnay ? demande-t-il.

 

— C'est moi, réponds-je simplement.

 

Il me dévisage pendant quelques secondes qui me semblent interminables. Je n'arrive pas à savoir ce que lui évoque mon nom. De la haine, de la nostalgie ou de la joie. 

 

— Et tu habites au château d'Ussé, c'est bien ça ? 

 

— Oui, affirmé-je.

 

— Tu connais... Dracula ? questionne-t-il après une courte pause.

 

— Oui, vous êtes un ami ? demandé-je à mon tour. 

 

Malheureusement, je n'obtiens aucune réponse de sa part. Je me suis pris un vent, froid et glacial. Quel toupet, j'ai bien répondu à ses questions moi ! Il me dévisage avant de détourner les yeux et de poursuivre son ramassage. Je ne suis pas sûre, mais j'ai cru apercevoir pendant un court instant, de la haine dans son regard. Sans doute, est-ce le fruit de mon imagination ? J'ai déjà vu ces yeux et ce visage quelque part, mais où ? Décidément, tout le monde me semble familier, mais je suis incapable de me rappeler qui ils sont et où je les ai vu. 

 

— C'est moi ou il vient de te lancer un regard noir ? me demande Julie.

 

Pour toute réponse, je me contente d'hausser les épaules. Elle aussi l'a vu, je n'ai peut-être pas rêvé finalement. 

 

 

 

Nous sommes le cinq décembre et le jour J approche à grands pas. Il reste deux petites semaines. Je rassemble tout mon courage pour aller trouver Dra dans son bureau, et lui demander de m'accompagner au bal. Comme je m'y attendais, dans un premier temps, il refuse ma proposition. Mais c'est sans compter mon entêtement. On dirait qu'il a oublié à quel point, je suis une tête de mule ! Je fais la moue avec mes yeux de chien battu et lui repose la question. Cette fois, je joue la carte de la pitié en lui disant que je vais être la seule à ne pas y aller. Il reste silencieux pendant un long moment, je l'observe réfléchir en faisant les cent pas. Je ne sais pas combien de temps ce cinéma a duré, mais cela m'a paru interminable. Au final, Dra me donne à nouveau une réponse négative. Vexée, je mens en lui disant que je demanderai à Diméo, qui se fera une joie de m'accompagner. Je m'apprête à sortir de son bureau, quand il me retient par le poignet. Je me retourne et croise ses beaux yeux marron. Il m'annonce qu'il sera mon cavalier et que je peux oublier mon trou du cul d'ex. J'ai envie de sauter et crier ma joie, mais je me retiens d'en faire trop. Je me contente de sourire et de le remercier avant de sortir de son bureau. Je cours dans le couloir en direction de ma chambre et explose de joie en refermant la porte. Je dois appeler Jess pour lui annoncer la bonne nouvelle. Bal de Noël tiens-toi prêt, j'arrive ! 

 

Mon amie décroche à la première sonnerie.

 

— Coucou chérie !

 

— Tu devineras jamais la bonne nouvelle que je vais t'annoncer ?! dis-je en retenant tant bien que mal mon excitation.

 

— Tu vas renoncer à tes révisions et sortir avec moi ce week-end ? 

 

— Mieux ! Je vais au bal et Dra a dit oui ! Il est mon cavalier ! m'exclamé-je.

 

— Quoi ? Il a vraiment dit oui ?! 

 

— Oui !

 

— Oh, mon Dieu ! 

 

J'écarte le téléphone de mon oreille tandis que Jess hurle de joie dans le combiné. 

 

— Mais c'est génial ! Toi, Dra, Thomas et moi. Oh, je suis trop heureuse ! Je t'aiderais à le coincer dans un coin pour lui voler un bisou ou deux, me propose-t-elle le plus sérieusement du monde.

 

— Jess, je ne vais embrasser personne et surtout pas Dra. Tu veux qu'il m'abandonne à la porte du manoir avec mes valises ou quoi ?

 

— Amé, il ne ferait jamais ça ! Et je ne suis pas sûr qu'il serait contre un roulage de pelles, rit-elle.

 

— Arrête, soupiré-je.

 

— On lui sert un petit verre de vin, et ça va le décoincer. Tu ne le reconnaitras pas quand il te mettra la main aux fesses avant de te prendre la nuque pour t'arriver brusquement vers lui et plaquer ses lèvres sur les tiennes. Il t'arrachera un gémissement de plaisir qui le rendra fou. Et ...

 

— STOP !!! Oh, mon Dieu, tais-toi ! l'interrompé-je les jours en feux. Tu vas m'inventer un scénario porno au téléphone sur Dra et moi, c'est gênant !

 

— Désolé, j'étais en pleine écriture de mon romain quand tu m'as appelé. Et si tu veux savoir, mon héroïne était en train de faire des choses pas très catholiques avec son enseignant. D'où mon imagination hot.

 

— Ne fais surtout pas lire ton histoire à Julie, ça pourrait l'encourager dans sa nouvelle lubie. Elle craque sur notre nouveau professeur, comme toutes les filles de la classe, soupiré-je.

 

— Il est beau gosse ? demande-t-elle soudainement intéressé.

 

— Ouais, il est canon, mais bizarre. 

 

— Plus beau que Dra ? taquine-t-elle

 

Je ris avant de répondre.

 

— Personne n'est plus séduisant que mon Dra. Je dois te laisser, bonne soirée. Bisous.

 

 

Nous sommes enfin le week end, la semaine m'a paru interminable. Je pense que le nouveau professeur, Enzo, m'a pris en grippe. Il m'interroge tout le temps et ce que je dis, ou réponds, n'est jamais correct. Je ne comprends pas ce que j'ai pu lui faire. Est-ce à cause de Dra ? Le connaît-il personnellement ? Peut-être ne s'aiment-ils pas ? Mardi soir, j'ai demandé au principal intéressé, s'il connaissait un certain Enzo. Visiblement, ce prénom lui semble inconnu au bataillon. Dra ne le connaît pas. Retour à la case départ, je ne sais pas pourquoi il ne m'aime pas. Je crois que je ne suis pas douée pour trouver les réponses à mes questions. Je n'ai toujours pas percé le secret de mon cavalier, je n'ai pas avancé d'un pouce dans mon enquête. Je suis au point mort. Avec tous ces événements, je n'ai pas le temps, mais je compte bien mettre les bouchées doubles pour la nouvelle année.

 

Je dois rejoindre Jessica au centre-ville à quatorze heures et, pour une fois, je suis en avance. Nous devons trouver notre robe pour le bal. Je longe le couloir quand quelque chose attire mon attention. Une porte est légèrement entre-ouverte et je peux apercevoir Dracula, allongé dans la cabine à UV d'Anne. Je dois avoir des hallucinations, parce que Dra et le bronzage, ça fait deux. Il va pleuvoir des grenouilles ! Je continue mon chemin pour rejoindre ma voiture, quand une idée germe dans mon esprit. Il en a pour un bon moment avec sa séance, c'est le moment ou jamais. J'envoie un rapide message à Jess pour décaler notre rendez-vous d'une petite heure et je cours vers la chambre de Dra. Comme je m'y attendais, la porte n'est pas fermée à clef. Pas très malin de sa part, mais ça arrange mes affaires. Je la pousse doucement avant de la refermer avec précaution. Je parcours la pièce du regard avec beaucoup d'attention. Où pourrais-je trouver quelque chose ? Après quelques secondes de réflexion, je me dirige vers le bureau et fouille les tiroirs un à un. Je cherche le moindre indice qui pourrait me mettre sur une piste. Un papier jauni attire mon attention. Je le prends délicatement et je comprends rapidement qu'il s'agit d'un mot.

 

" J'ai demandé à Gabriel de te remettre cette lettre, puisque j'ignore où tu te trouves.

Personne ne me dit rien, cela m'inquiète énormément. Que se passe-t-il ? Je t'en supplie, convaincs-les de me laisser venir te voir.

Ils ne peuvent pas m'empêcher d'être près de toi, ils n'ont pas le droit ! 

Je veux être à tes côtés et profiter du temps qu'il nous reste.

 

Tu me manques tellement. 

 

Tendre baiser.

 

Lise "

 

A la fin de ma lecture, j'ai le cœur qui bat à la chamade. Qu'est-ce que c'est que cette lettre ?Je me dépêche de ranger le papier dans le tiroir où je l'ai trouvée et je sors précipitamment de la chambre. Je cours dans le couloir pour rejoindre ma voiture le plus rapidement possible. Je fuis le château et Dra en mettant le plus de distance possible entre nous. J'ai peur de le croiser et qu'il s’aperçoit du trouble sur mon visage. Je suis complètement chamboulée par ce que j'ai lu et mille et une questions se bousculent dans ma tête. Qui est cette mystérieuse Lise et qui est-elle pour lui ? Où-est-elle maintenant ? Se fréquentent-ils toujours ? J'ai peur de connaître les réponses. Je suis folle de jalousie, je ne veux le partager avec personne. C'est avec les larmes aux yeux que je mets le contact et m'engage dans l'allée direction le centre-ville.

 

Je rejoins Jess avec quelques minutes d'avance, pour une fois que je ne suis pas en retard. Quel exploit ! A marquer d'une croix rouge sur le calendrier. Je n'ai pas envie de parler de ce fameux petit mot trouvé plus tôt, alors je m’efforce de ne pas y penser. Ma meilleure amie ne remarque pas mon trouble, et pour une fois, j'en suis ravie. Après un long et fatiguant après midi à essayer de nombreuses robes, je trouve enfin celle que je voulais. J'ai hâte de la montrer à Dra, le soir du bal. Je ne sais peut-être pas qui est cette Lise, mais je compte bien la remplacer dans le cœur de l'homme que j'aime.

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Bubulle (mardi, 31 juillet 2018 11:11)

    Coucouuuuu! *.*

    Franchement c'est génial, je vais revenir plus d'une fois par jour pour attendre la suite!
    *impatiente*

    Tout plein de bisous!
    Bubulle

  • #2

    Hanna (mardi, 31 juillet 2018 11:25)

    Oh merciiiii <3 Contente que ça te plaise toujours ! :D

    La suite de Dracula devrait arriver d'ici environ deux semaines :)
    Passion la semaine prochaine je pense :)

    Bisouuusss et à bientôt !!

  • #3

    Ayumi (mercredi, 22 août 2018 23:41)

    Je suis sur que le type c'est aussi un vampire et c'est le mec qui l'a déçu avant xD
    ça crève les yeux. Marine tu me déçois, y a plus aucun effet de surprise. *sort*
    Vivement le prochain ! ♥ Bisous ma belle